“Tout m’avale (…) Je suis avalée par le fleuve trop grand, par le ciel trop haut, par les fleurs trop fragiles, par les papillons trop craintifs, par le visage trop beau de ma mère.” L’Avalée des avalés, premier roman de Réjean Ducharme, s’ouvre sur ces mots crus, douloureux, vibrants, ces paroles d’écorchée vive qui immédiatement nous happent. “Tout m’avale”, scande la narratrice, et nous voilà, nous aussi, immédiatement “avalés”, pris à la gorge par la douleur vive de cette héroïne qui s’agrippe de toutes ses griffes à l’enfance, alors même que son corps est en train de la trahir.
Elle s’appelle Bérénice, elle a une famille – un père juif, une mère catholique – qu’elle hait, elle a un arbre, un “navire” où elle aime se réfugier. “Quand je ne sais plus quoi faire, je m’embarque (…) Larguez les continents. Hissez les horizons. Ici, on part.” Et nous partons. Loin sur les ailes de son imagination. Le plus loin possible de sa douleur, de la vie, de la petitesse des humains.